Le chemin de Montaigne ou gr89 , c’est 150 km de chemins, de sentiers balisés à travers la Région Auvergne-Rhone-Alpes. Un merveilleux chemin qui débute à Brussieu dans les Monts du Lyonnais, traverse le Forez et nous conduit à Thiers. Ce fut une véritable découverte. Un chemin balisé à travers des chemins herbeux, des sentiers le long de la Loire, de charmants villages riches de leurs histoires.
Le chemin permet de relier Lyon à Clermont-Ferrand, point de départ du chemin de Compostelle appelé via Arverna. Par extension, il peut s’inscrire dans une démarche de pèlerinage, de Notre Dame de Fourvière au sanctuaire Notre-Dame de Rocamadour. C’est mon projet.
Le chemin de Montaigne m’a permis de (re) découvrir un auteur que je n’avais pas vraiment apprécié , autrefois ! Et là , coup de cœur ! Un philosophe précurseur en tout…Je vous le conseille dans sa nouvelle édition de Bernard Combeaud et sa préface de Michel Onfray. Une gourmandise pour nos cerveaux d’aujourd’hui….
Montaigne est parti à Rome par les chemins de traverse pour faire valider Les Essais par le Pape. Il revient en passant par Lyon, les Monts du Lyonnais….C’était en 1581. Drôle d’époque faite de guerres civiles, de combats idéologiques.
Jour 1 : de Fourvière à Brussieu (16 km en voiture & 10 km à pied! )
Tout pèlerinage qui se respecte commence par une bénédiction. J’ai donc commencé mon pèlerinage à Fourvière pour, non pas me faire bénir, mais faire tamponner ma créanciale artisanale. Lors de ma dernière tentative de pèlerinage vers Rome , j’ai voulu faire comme les jeunes sur Instagram, à coup de Story artistiques, de vaine communication, annoncer mon départ ….. Bénédiction en live, toute La Chapelle Saint Jean Baptiste était au courant que je partais convertir sur les chemins de Rome tous mécréants que je rencontrerais! Je me revois à genoux recevant la bénédiction tel le chevalier recevant son adoubement. Je n’ai vu personne sur les chemins à convertir… J’ai passé mon énergie à chercher mon chemin pour remonter sur Genève. Me suis tapée un marathon dans la capitale suisse ( Pougny – Divonne ). Je me suis épuisée et quand je suis épuisée.. je ne pense pas du tout au bon Dieu, ni à la Vierge Marie !. Et puis ma cheville a lâché…. suis rentrée chez moi sans avoir vu Rome et le Pape !
Cette fois ci, pas de rabattage sur Instagram, pour annoncer au monde mon départ! Cette fois , je suis « dans l’humilité de Dieu » enfin pas trop non plus !
Suis partie, toute cassée de partout… et pour faire hommage à Francoise Hardy (paix à son âme), une vraie tamalou ! Mal au dos, le nerf sciatique m’irradie la fesse , l’aine , le mollet et le doigt de pied. Le genou tout gonflé….Mais comme dans la pub on vous conseille, t’as mal au dos …bouge ton c…
Suis donc partie un samedi après avoir repoussé mon départ. Quasi semelle de plomb.Pas trop envie.Plus envie de marcher. Voire pas du tout. Suis dans ma période dévorage de livres, lecture intensive. Procastination. Ne rien faire me convient bien. Le confinement a comme endormi mes envies, mes projets, mon énergie. Je suis bien dans mon fauteuil ! Aucun appel du chemin mais plutôt un devoir de m’y remettre. Ou plutôt l’envie de fuir mes devoirs domestiques repassage-nettoyage-cuisinage…un ras-le-bol…et sous prétexte d’aller prier la Sainte Vierge, la fuite, être seule, respirer à mon rythme, recharger mes batteries…
Et puis , je me suis faite conduire à Saint Bonnet le Château au dessus de Vaugneray. (16 km de gagnés). On ne dit rien. Je culpabilise . Mais ces 16 km je les connais par coeur. C’est en partie le chemin de Saint Jacques et l’autre sans intérêt. Je vous le dis , je ne suis pas très motivée !
Chaleur écrasante, Grosse paresse. Aucune envie de marcher. Je vais parcourir 10 km en … indécent ! La honte! …en 8 heures ! Petit rafraichissement dans chaque village…La Brevenne m’offrant des petites plages , je m’y suis prélassée… au frais… à l’affût du Martin pêcheur de mes rêves.Trois pas et je m’arrête ! Une loque ! Une vieille loque !
Et puis , j’avance. Pas après après pas. Une sorte de combat contre les mois passés dans mon fauteuil, contre ma léthargie qui m’a anesthésiée, contre la cigarette intensive…Pas de camping à Brussieu, pas envie de déranger le village pour trouver un lit. Chercher un lieu de campement à 7 heures du soir relèvera du défi…je m’écroule…dans un verger…dans un chemin…un samedi soir…la chambre aux cerisiers…première nuit. Une nuit réparatrice, fraiche…je crois que je vais continuer.
J’aurai parcouru 10km cette première journée.
Jour 2 : de Brussieu à la Rochetière ( 11 km )
Le vent a soufflé cette nuit.Fort. Trop fort. Apprendre le planté de la sardine pour la prochaine fois ! L’orage a grondé au loin. Réveil dans le chemin. Odeur de l’herbe odorante, enivrante. Le concert des oiseaux. Le soleil qui se lève. Vie sauvage, au plus proche de la terre. Femme sauvage. Retour à l’essentiel. Sans bavardage. Bonheur.
Je ne pense pas avoir fait 10 km.
Les sensations de la marche s’infuse doucement. Merci mes pieds. Merci mon corps. Merci cette terre qui accueille mes pas. Et cette odeur de tilleul entêtante.Tout est parfait.
Premier arrêt au château de la Bourdelière. Je crois que je m’y suis installée, assise sur la terrasse à siroter un café, à accepter toute la bienveillance de Catherine. (j’ai vu que vous êtes inscrite à mon carnet, cela m’oblige… ) J’étais si bien. Catherine,une belle rencontre comme on aime en faire sur le chemin. Dans ce bel endroit. Cet endroit historique. Une maison de famille comme j’en rêve. Ce fut difficile de repartir. J’ai fait la bravache. Je pars pour Rocamadour. C’est du sérieux un pèlerinage…
« Le mercredi 15 Novembre 1581, je partis de Lyon après diner et par des chemins montueux vins coucher à La Bourdelière, cinq lieues, village où il n’y a que deux maisons. «
Montaigne. journal de voyage
Ce fut également un lieu de pèlerinage en témoigne les vitraux de Saint Roch de la petite chapelle attenante et la coquille aperçue dans la cour.
Il faut noter que nous sommes sur une ancienne voie romaine reliant Lugdunum et Saintes.
Et maintenant, c’est un lieu pour se marier. pour se reposer …et, à l’occasion, accueillir le pèlerin assoiffé.
Et après, sous le ciel menaçant, les premières gouttes, le premier orage …je me réfugie dans La Chapelle Saint Bonnet.Petite chapelle dans un pré, dans une propriété privée….
Et après, le déluge. Mais tout ira pour le mieux. Vous voyez sur la photo, la petite maison….J’ai toqué à la porte pour demander l’autorisation de me mettre à l’abris dans leur grange. Un petit couple, l’âge de mes gônes, m’accueille, m’offre un café et trouve des voisins qui possède un gîte en face, la ferme de la Bourette....tout va bien dans le meilleur des mondes!Le chemin rend bon parce qu’on rencontre des gens généreux, bons, formidables, bienveillants, attentifs à l’autre…on veut croire à cette humanité là…je prie pour cette humanité.
Jour 3: De la Rochetière à Feurs 23 km
Un bel endroit cette ferme de la Bourette. Un nouveau gîte pour vous , pèlerin. J’étais bien heureuse d’être au sec cette nuit. L’orage fut violent.
Je suis à coté d’Haute Rivoire. . Il y aurait eu à une époque lointaine un couvent cistercien qui aurait été démoli à la révolution et dont les pierres auraient permis de re-construire des fermes….
Encore petits chemins et petites routes bucoliques qui rendent tout joyeux. » Douce France, le pays de mon enfance… »je galope aujourd’hui….il n’y a pas de grimpette.
Le chemin de Montaigne m’enchante. J’aime lire ces citations , j’aime ces villages riches de leur histoires. Le chemin de Montaigne ou le GR 89 . 89 parce que c’est le nom de la nationale qui va de Lyon à Bordeaux
Je me rappelle que l’orage a commencé à gronder vers 13h30. J’étais à Salt à Donzy. Très joli Salt en Donzy avec son église romane du XIème siècle.
J’ai commencé à m’inquiéter de la suite. J’ai tenté de rejoindre un gîte, les Oeillons. Je n’aurais pas du ! 1 km de montée. Une vraie montée sur une départementale. En fait, il ne s’agit pas d’un gîte d’étape mais un gîte-gîte , un gîte de l.ocation…La pluie s’intensifie. On a pitié de la pauvre pèlerine. On me descend à Feurs. Je trouve un hôtel. L’hôtel de la gare. En une nuit, mon budget pèlerinage va s’envoler mais j’ai bien dormi ! Je m’adapte.
Jour 4 : Feurs – Montverdun (21,5 km)
J’ai beaucoup aimé Feurs. C’est une jolie ville. Une ville qui sent le caramel. (son usine à l’entrée me fait penser à Charly et sa chocolaterie) . Une belle église , Notre Dame de Feurs. J’ai tenté de photographier les statuts de Jacquemart et de sa femme qui sonnent les heures mais pas assez de recul.
Après c’est 8 km le long de la Loire avec plein de petits spots pour poser sa tente et photographier les Martins pêcheurs.
Puis il y a cette longue ligne droite comme sur le chemin de Saint Jacques pour arriver à Montverdun. L’un des plus beaux sites du chemin de Saint Jacques, sur le chemin de Cluny. J’ai retrouvé Magali, la gardienne des lieux, Et puis un pèlerin qui part pour Compostelle…..
Montverdun, après une journée de marche est mythique. Une jolie église recèle des reliques de Saint Porcaire. J’ai posé des tas de bougies à Saint Porcaire et lui ai fait des tas de prières….pour la France!
Jour 5 :De Montverdun à Sail-sous-Couzan(17km)
Le nonchaloir. C’est le tempérament de Montaigne. Prendre les choses comme elles se présentent. Sans trop en faire., presque négligemment. Le non – chaloir : du verbe chaloir qui veut dire importer , d’important… peu m’importe! Ne pas rêver sa vie. Cela ne signifie pas que cela ne nous concerne pas mais on n’en fait pas tout une histoire. Il y a de la relativité dans le nonchaloir,…. C’est une belle philosophie. J’aime bien ce Michel Eyquiem .Ô parfum chargé de nonchaloir !disait Baudelaire.
Après Montverdun, il y a le château de la Bastie d’Urfé à Saint Étienne le Molard. Construction renaissance ! On longe le Lignon et c’est tout mignon! Avez-vous lu l’Astrée , le roman d’Honoré d’Urfé?
Je crois que je suis très Montaigne sur le chemin. je m’abandonne.Le nonchaloir… que j’aime ce mot!
Cette journée a passé rapidement. Vers 14h ,j’ai vu un petit camping. J’y ai posé ma tente. Un charmant petit camping avec des gens charmants, souriants, heureux.Bonheur simple.
Et puis les orages! Des orages violents. Une pluie lourde qui transperce la tente ultra light en silnylon siliconé waterproof…. J’ai fini au petit matin dans un local. Me suis fait un bon café, un porridge. J’ai rangé mes affaires. J’ai pris un bus. La semaine s’annonçait mauvaise, grise. À midi, j’étais chez moi. Dans mon fauteuil. Le nonchaloir !
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